Alors bien entendu, lorsqu'il est question de littérature, la beauté du style, la musicalité des phrases ont leur importance ; la profondeur de la réflexion de l'auteur, l'originalité de ses pensées ne sont pas à dédaigner ; mais un auteur c'est avant tout un être humain, présent dans ses livres, qu'il écrive très bien ou très mal en définitive importe peu, l'essentiel est qu'il écrive et qu'il soit, effectivement, présent dans ses livres (il est étrange qu'une condition si simple, en apparence si peu discriminante, le soit en réalité tellement, et que ce fait évident, aisément observable, ait été si peu exploité par les philosophes de diverses obédiences : parce que les êtres humains possèdent en principe, à défaut de qualité, une même quantité d'être, ils sont tous en principe à peu près également présents ; ce n'est pourtant pas l'impression qu'ils donnent, à quelques siècles de distance, et trop souvent on voit s'effilocher, au fil de pages qu'on sent dictées par l'esprit du temps davantage que par une individualité propre, un être incertain, de plus en plus fantomatique et anonyme).