Origines et raisons de ce livreTout a commencé il y a bientôt trois ans, c’était aux alentours des fêtes de Noël. Profitant des frémissements ressentis à ce moment-là au niveau national, je ne laissai pas passer l'occasion et écrivis, pour La Esfera un court papier voué à faire les éloges de la Hallaca venezolana. J’y racontai son histoire et parlai de l’importance qu’avait, au-delà des considérations culinaires, spirituelles et sociologiques, un de nos grands plats nationaux. Cet article reçut, en général, un accueil enthousiaste, quel que soit le courant politique du lecteur. Il sut remonter le moral de nos compatriotes qui vivaient à l’étranger et trouva un écho favorable au sein des hautes instances officielles. Pour moi, qui nourrissais un sentiment patriote fervent quand je la partageais avec les lecteurs, ce fut la réponse parfaite. Ce fut comme une confirmation, une ovation. Telles furent les raisons de ce premier papier et l’origine des suivants que je publiais dans le journal, chaque semaine et en exactement douze mois. Leur base était une cuisine vernaculaire et son élaboration. Les circonstances que je viens d’exposer et l’accueil positif que reçurent, à chaque publication, les courtes biographies auxquelles je me réfère ici m’encouragèrent à persévérer. On retrouve, dans ces biographies, des références historiques et on y parle de nos contrées, de nos coutumes et des spécificités régionales qui, en lien direct avec notre cuisine typique, forgent le caractère et constituent le panorama géographique du Venezuela. Je me suis efforcé pour qu’elles soient éminemment locales dans les informations qu’elles apportent et complètement, typiquement vénézuéliennes dans leur ensemble, afin qu’elles reproduisent ainsi fidèlement l’atmosphère populaire locale. C’est une contribution sincère au folklore national. Certains alliés à cette bonne cause, sûrement trop indulgents, dirent que le plus grand mérite qu’on pouvait leur trouver était d’aborder de façon originale le thème de la gastronomie. La série est composée de quatre-vingt-treize biographies. Elles expliquent des élaborations culinaires locales: des mets dont l’origine remonte au temps de la Colonie, d’autres qui nous viennent d’ailleurs et qui ont su s'adapter, des préparations étranges, cuisinées au coin du feu, qui nous viennent des indigènes et d’autres dont les ingrédients disparates montrent, avec une certaine naïveté fruste, les différentes ethnies qui composent le peuple du Venezuela. Ces plats sont, comme le Venezuela, métissés… C’est peut-être précisément pour ça qu’ils sont si nourrissants, et qu’ils flattent aussi bien le palais. La cuisine des villes et la cuisine des champs ont toutes les deux des représentants qualifiés. Si certaines de ces préparations locales, somme toute comestibles, ne sont pas toujours du goût des fines bouches qui préfèrent celles, accompagnées d’un grand millésime, que l’on désigne avec des mots à la phonétique étrange et qu’offrent les « Cartes » des restaurants français, on ne doit cependant jamais oublier que, dans ce pays encore jeune, la forêt s’arrête brusquement là où commencent, de façon brutale, les villes…Pour beaucoup de questions propres au Venezuela, il arrive que, pour en parler, pour les juger, voire prétendre les résoudre, on prenne toujours pour exemple Caracas. On pourrait même croire que l’intérieur de la République ne compte pas du tout. Par là, je veux faire allusion au fait que les habitants de la capitale, dans leur majorité, semblent souffrir de dénutrition, c’est du moins ce que sembleraient dire les statistiques, mais cela est dû à différentes raisons. Une, et la plus probante, est le prix exorbitant qu’ont atteint les denrées alimentaires, et en particulier la viande, ce qui ne leur permet pas de manger de manière équilibrée. Une autre est qu’ils dépensent plus d’argent pour ce qui est de leur paraître que pour ce qui est de leur être.